Au XXe siècle, des gens sont morts pour leur pays ou pour la liberté. Ou du moins, c'est ce qu'on croyait.
Au cours de la Première Guerre mondiale, des millions de jeunes hommes ont marché vers la mort, convaincus de défendre l'honneur de la nation. En fait, beaucoup ne savaient même pas pourquoi ils se battaient. Mais la rhétorique les soutenait : la patrie, la famille, la civilisation.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les idéaux sont devenus plus clairs : liberté contre totalitarisme, civilisation contre barbarie. Même les fascistes et les nazis (à ne surtout pas confondre) ont lutté – à leur manière – pour les mêmes aspirations. Il s’agissait de visions du monde capables de mobiliser, de donner du sens et de créer de l’appartenance.
Aujourd'hui, dans un Occident de plus en plus hétérogène, nous nous remplissons la bouche de termes tels que « démocratie » ou « intérêt national », mais les citoyens (souvent considérés comme sujets) la question se pose spontanément : Pour quoi devrais-je sacrifier ma vie ?
Les valeurs ressemblent souvent à un écran de fumée. La liberté, la dissuasion et la sécurité couvrent les intérêts économiques (autres), l’accès aux ressources (autres), le contrôle géopolitique (autres).
Mais personne aujourd’hui ne souscrit à « l’expansion du PIB européen » ou à « l’autonomie stratégique de l’Union ». Qui est prêt à mourir pour un gazoduc ? Pour un traité commercial ? Pour un budget de défense commun ?
Le nœud du problème est le suivant : s'il manque des idéaux reconnus et partagés, si tout se traduit en termes financiers ou productifs, que reste-t-il comme base de motivation individuelle au sacrifice ?
Les intérêts (personnels) peuvent expliquer les décisions de l’élite, mais ils ne toucheront pas – au-delà d’un certain seuil – le cœur des soldats, ni celui d’un peuple.
Un jeune Américain, un Français, un Allemand peut choisir de servir, mais il ne sera pas prêt à faire le sacrifice ultime pour quelque chose qu’il ne considère pas comme sien, suffisant et sincère. Nos militaires ont déjà fait l’expérience de ce que signifie tuer et mourir pour de fausses justifications. Parfois ils le savaient déjà en embarquant, souvent ils le comprenaient tard.
En Europe « parasite et profiteur » Une réponse populaire fera-t-elle la différence ? En Ukraine, la grande majorité des gens ne se souciaient pas de leur gouvernement, des territoires disputés par les autonomistes ou les Russes, mais la maladresse des « grands frères » leur a donné la détermination et la volonté de se battre.
Aujourd’hui, l’Europe parle de « Readiness 2030 », de réarmement intelligent, d’autonomie stratégique. Avant même d’acheter des armes, vous devriez trouver une raison de les utiliser.
Si l’Europe (et l’Occident) veulent réellement se préparer à se défendre, elle doit répondre à une question brutale mais essentielle : pour quoi sommes-nous prêts à mourir ?
Le nombre actuel de personnels en uniforme ne sera pas suffisant pour faire face aux guerres qui se profilent à l’horizon.
Il 20 Septembre 1792 Des volontaires français mal armés et mal habillés ont arrêté une armée puissante et bien organisée. C'était la victoire de l'esprit sur le métal, du peuple libre contre la force aveugle. A Valmy est né non seulement une République, mais un principe immortel.
Il faudra donc les « gueux de Valmy » pour avoir une dissuasion européenne. Mais que leur disons-nous aujourd’hui ? Que nous défendions des valeurs ? Défendons-nous une civilisation ? Que nous défendions la liberté ?
Nous avons besoin d’un récit vrai, crédible et partagé. Sans réponses claires, vous ne construisez pas de défense, vous construisez seulement une arsenal.
Avec l'argent, quand on est mort, on ne peut rien acheter. Sans idéaux, personne n’est prêt à mourir. Si vous êtes motivé, vous payez le prix le plus élevé, même « gratuitement ».
Les idéaux peuvent être faux, toxiques, manipulateurs. Mais leur absence est pire : elle laisse le champ libre à la désillusion, au cynisme, au désintérêt ou aux joueurs de flûte qui – derrière un drapeau hypocritement pacifiste – exposent notre jugulaire à leurs mandants.
Si l’Occident veut vraiment se défendre, il ne peut pas se contenter de budgets et de slogans : il faut revenir à croire en quelque chose qui vaut plus que la vie elle-même. Ce n’est qu’alors, peut-être, que les « haillons de Valmy » reviendront. Et cette fois, de la Finlande à Chypre ou au Groenland, ils parleront toutes les langues d'Europe... mais d'une seule voix !