Le conflit en cours entre la Russie et l'Ukraine sonne comme un signal d'alarme pour ceux qui croyaient, en Italie et en Europe occidentale, que les guerres n'étaient déléguées qu'à des secteurs intelligence et tout au plus des "opérations spéciales". On revient à parler de doctrine militaire, d'opérations terrestres et d'armements, ces derniers subitement délaissés au profit des composantes navale et aérienne. On a rappelé que pour faire la guerre au sol, les forces de police ne sont pas nécessaires et les véhicules blindés et l'infanterie légère ne suffisent pas (l'infanterie mécanisée a même disparu comme spécialité dans le système judiciaire italien) mais les chars et l'artillerie sont nécessaires. Il faut avant tout une capacité militaire non récupérable rapidement, car non réductible à la simple acquisition d'armes et de moyens mais constituée de expertise spécifique.
En résumé, il s'agit de retrouver une capacité d'usage qui est avant tout le résultat d'une mentalité générée par l'élaboration doctrinale, la formation et l'expérience.
Enfin, même maladroitement, on s'est rendu compte qu'une politique militaire durable et cohérente et les investissements économiques correspondants étaient nécessaires. Cette prise de conscience, appuyée par l'observation conjointe des événements de guerre qui se succèdent, a également eu, parmi les diverses conséquences, l'épanouissement du débat entre experts non seulement en géopolitique mais aussi en stratégie et tactique militaires ; ce qui doit être considéré comme positif puisque ces secteurs sont considérés comme marginaux et de niche dans le contexte de l'information publique italienne.
L'élargissement du débat, stimulé par celui de l'audience des auditeurs, a cependant généré, comme le veut la coutume nationale, une multiplication délétère d'"experts", souvent recyclés d'autres champs d'études. Les politologues et les historiens en particulier, dépourvus des compétences techniques militaires nécessaires, à l'exception de quelques banalités de culture générale, se mesurent dans le domaine de l'analyse militaire. La majorité se lance même dans des prévisions tactiques et stratégiques, dont celles à court terme sont pour la plupart immédiatement démenties, comme celle sur le prétendu bluff le commentaire de Poutine sur une véritable attaque contre l'Ukraine, déformant ainsi la nature même de l'analyse. Dans le domaine militaire, il s'agit avant tout d'un examen de situation, d'un ensemble complexe de facteurs interdépendants. Elle est le fruit de connaissances non seulement historiques et politiques mais aussi environnementales, humaines, psychologiques, opérationnelles, armements etc.
Vous n'êtes pas doué pour l'analyse militaire dansdeviner o sbagliare ce qui se passera, mais en comprenant ce qui se passe et pourquoi, comme première étape pour identifier les actions possibles qui se produiront.
Il faut bien comprendre, malgré ce que l'on pense communément, qu'il n'est pas possible de prédire l'avenir, car celui-ci est le résultat de choix que les acteurs de terrain mettent en œuvre en fonction de la complexité des facteurs en présence mais aussi de choix qui sont parfois irrationnels et d'erreurs. L'analyse doit, en revanche, permettre d'identifier, en fonction des différentes possibilités d'actions identifiées, les différents et possibles mouvements pouvant être mis en œuvre et qui dans le domaine militaire permettent de pouvoir se projeter opérationnellement. C'est un concept que tout soldat, qui a un minimum d'études de service d'état-major, connaît.
Malheureusement, d'un côté, la raréfaction des analystes civils spécialisés et de l'autre des militaires engagés dans le secteur de la divulgation laissent le champ libre à des « experts » improvisés qui se lancent dans les libres prairies d'un secteur qui a soudain trouvé un large public intérêt. Malheureusement, il s'agit d'un phénomène déjà largement observé dans le domaine des études d'histoire militaire, un secteur méthodologique très proche de celui des analyses en question, remplaçant l'étude du présent par celle du passé.
Ici aussi, la négativité du phénomène tient au fait que peu d'historiens militaires sont scientifiquement équipés pour faire face à des recherches capables de sortir du domaine strictement technique et de nombreux historiens civils qui se disent militaires sans avoir le bagage technique nécessaire. Parmi ces derniers, nombreux, crus des systèmes juridiques, de la doctrine, du processus décisionnel et de l'aménagement de la période étudiée, estiment que la simple consultation de quelque document suffit pour avoir l'image des choix et des décisions prises par les commandements, se lançant dans des jugements et des conclusions incorrects. .
Dans le domaine historique, l'aspect conséquent le plus délétère n'est pas, comme dans l'analyse des contextes de guerre contemporains, le désir de prévoir l'avenir, mais la recherche, parmi les documents et les archives, écoper, échanger l'histoire avec le journalisme, mesurer son habileté à trouver le roman et non à l'acuité de l'analyse interprétative, ou à relater originellement les différents facteurs même s'ils sont tous déjà connus et traités.
Emilio Tirone
Photo : ministère de la Défense ukrainien