Le vote de censure contre le gouvernement Barnier, pour la première fois depuis 1962, nous ramène aux considérations estivales exprimées sur la stabilité et la gouvernabilité de la France, que le pari présidentiel en bloquant l'accès de Marine Le Pen à l'exécutif n'a pas pu concrétiser, compte tenu du indisponibilité des 289 sièges indispensables pour garantir une majorité.
S'il est vrai que le second tour électoral a donné une victoire historique au Nouveau Front populaire de gauche, il est vrai aussi que les alchimies de l'Elysée n'ont pas épargné à la France la montée en puissance d'un exécutif qui, tout aussi historiquement, a déjà chuté en histoire comme l’une des moins durables, expression d’une Assemblée nationale fragmentée dont la composition a rendu problématiques les accords programmatiques entre groupes loin de toute hypothèse de gouvernement d’union nationale. La loi des finances, comme prévu, a constitué le banc d'essai d'un exécutif sans moyens pour sortir d'une impasse accablée par la nécessité de réduire un déficit qui, devant faire baisser le ratio déficit/PIB, nécessite des coupes impopulaires et des mesures draconiennes. de la politique budgétaire.
Aujourd’hui comme hier, la France se trouve dans une situation d’impasse, où Raphaël Glucksmann, un représentant socialiste, ne pouvait qu’appeler à un sens plus large de responsabilité institutionnelle fondé sur des choix réalistes et réalisables. Le fait que les extrêmes parlementaires, de droite et de gauche, se soient mis d'accord sur un vote à leur manière biparti, nous fait comprendre l'ampleur d'un échec politique qui porte les stigmates de Ensemble, Déjà en Marche, un mouvement construit autour de Macron, victime de lui-même, d'une impopularité croissante et déterminé par l'incapacité à maintenir un dialogue avec aucun groupe politique et par le manque de scrupules à utiliser les opposants pour des victoires à court terme, accompagnés du déclin des républicains, protagonistes de la scène politique transalpine depuis longtemps.
Barnier a fait prendre conscience à l'exécutif que seule la bienveillance de Le Pen permettrait sa poursuite politique, s'étonnant lui-même de l'irresponsabilité qui mettait en péril des mesures jugées urgentes et nécessaires. Macron a oublié que le système conçu par de Gaulle ne fonctionne que si la présidence dispose d’un consensus politique gérable même en cas de majorités divergentes : il est impossible de gouverner en ignorant les résultats démocratiques.
La Ve République, en termes de chaos, reproduit la débâcle de la Quatrième, où 46 gouvernements se sont succédé entre 58 et 24. Les conséquences les plus immédiates sont au nombre de deux : l'interdiction de la dissolution des chambres jusqu'à 12 mois après les précédentes, et la fin des le macronisme, porteur d'un message centraliste qui n'a pas été suivi compte tenu de l'intransigeance programmatique des groupes qui ont obtenu les succès électoraux les plus significatifs, même si, comme pour le NFP, cela s'est heurté à l'anémie débilitante des finances publiques, qui a également fait l'objet d'une attention particulière. communauté en raison d'un déficit excessif. Céder en matière de dépenses reproduirait la mauvaise performance du gouvernement Truss en matière de mini-budget, tandis que maintenir sa position contrarierait les ailes les plus extrémistes du NFP.
Le problème est ensuite encore aggravé par une antipathie renforcée à l’égard du président, une inspiration populaire largement répandue qui transcende, mais aggrave néanmoins, les aspects politiques. Ce n'est pas un hasard si les candidats de son parti ont préféré éviter d'afficher sur leurs affiches électorales l'image d'un homme politique perçu comme autoritaire et encore trop lié au contexte économique d'origine, à savoir les banques d'investissement. Bien sûr, la crise a des racines d'une profondeur qui convient aux mesures adoptées par les premiers ministres Elisabeth Borne et Gabriel Attal qui, faute de soutien total de l'Assemblée, ont été contraints de recourir fréquemment à l'article 49.3 très contesté de la Constitution, qui autorise le adoption d'un texte législatif sans le vote des députés qui peuvent cependant faire tomber le gouvernement par un vote de censure. Si le Rassemblement national a finalement été contenu et n'a pas accédé au pouvoir, il a été plus difficile de négocier avec Jean-Luc Mélenchon, dont l'impétuosité a en réalité contribué à une ingouvernabilité substantielle.
Le recul politique, économique et militaire du monde a également démontré que ces dernières années ont été problématiques. FranceAfrique, Jamais auparavant les sentiments anti-français n’ont augmenté. Le Sahel est de moins en moins français et Paris doit s’appuyer sur des puissances hégémoniques concurrentes, comme la Chine et la Turquie. Alors que Macron parlait ouvertement de cynisme insupportable Du côté du RN, Le Pen a déclaré la fin d'une gouvernement éphémère, auquel Eric Coquerel prédisait déjà qu'il serait destiné tomber en disgrâce, tandis que Reuters annonçait des manœuvres présidentielles visant à garantir la continuité de l'exécutif dès samedi avec la réponse de Cazeneuve ou l'avènement du ministre de la défense Lecornu, lorsque Notre-Dame sera rouverte en présence de nombreux chefs d'État en exercice et en pectore, au-delà Donald Trump.
Pour l’heure, toute hypothèse de démission présidentielle, définie par Macron lui-même comme l’expression d’un fantasme politique, est avec force exclue. Point de friction insurmontable, l'indexation complète des retraites à l'inflation demandée par la droite. Avec l'effondrement du gouvernement, les textes de loi de finances tomberont également, à moins que, évitant le shutdown, ne soit nommé à la hâte un premier ministre en possession des exigences gouvernementales, capable de lancer en moins de 20 jours une nouvelle manœuvre que le parlement devrait l’examiner dans un peu plus de deux mois. Au manque d'argent s'ajoute désormais le manque de temps, avec le cauchemar qui s'annonce propagation, prudent avec l'Allemagne et pratiquement nul avec la Grèce.
Le domaine parisien fait désormais peur1. Solution possible mais redoutée, une gestion ordinaire par l'exécutif sortant avec application de l'art. 45 de Loi organique des lois de finances (LOLF), qui prolonge la loi de finances de 2024 à 2025 avec une disposition particulière ; Soyons brefs en italien : un exercice provisoire qui permettrait d'éviter temporairement l'effondrement, pour autant que le président soit prêt à activer l'art. 16 de la Constitution en contournant le Parlement et pour faire face au chaos social qui en résulte. Repenser aux regards sardoniques et aux ricanements pas si discrets entre présidents et chanceliers d’antan nous ramène à l’obscurité d’un ennemi impitoyable. Toutes les autres hypothèses relèvent de la constitution fantastique, car aucune solution n’est réalisable sans l’approbation du Parlement. France teste les limites d'un pays où est en vigueur un système de monarchie républicaine qui devrait en théorie garantir la stabilité politique2.
Sur qui parieront les investisseurs, alors que la locomotive européenne s'effondre, entre la crise financière allemande et la débâcle française ? La BCE a été claire : le contexte est volatil et la soutenabilité des dettes souveraines est très incertaine. La tempête parfaite qui introduit un syndrome hellénique, avec des conséquences en cascade dans toute la zone euro, rendue inerte précisément au moment de la plus grande crise géopolitique entre MO, l’Ukraine et le retour de MAGA Trump. la crise française n’est pas seulement économique : elle est stratégique, avec une UE dirigée par la Commission politiquement la plus faible de son histoire.
Après de Gaulle, Grandeur s'est affaibli, à tel point que Giscard D'Estaing a décrit la France comme un grande puissance moyenne, porté par des éléments tels que l'arsenal nucléaire autonome et la détention d'un siège permanent au Conseil de sécurité et par un nostalgie contre laquelle même Macron n’a pas pu être à l’abri ; comme le disait Mélenchon, aMême avec un Barnier tous les trois mois, Macron ne tiendra pas trois ans. Il y a quelque chose à penser.
1 Les dépenses publiques sont au même niveau de PIB qu'à l'arrivée de Macron à l'Elysée, à 57 %. Le déficit pourrait atteindre 7 % du PIB, tandis que la dette publique est supérieure à 110 % et devrait augmenter. La compétitivité économique est inerte s'il est vrai que le déficit commercial s'est accru par rapport au PIB, atteignant plus de 4% et se confirmant comme chronique. L'âge de la retraite a été relevé de 64 à 62 ans et l'intégralité de l'allocation sera obtenue progressivement avec 43 années de cotisation.
2 Bruino Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF
Photo: Élysée