L'avenir de l'Afghanistan ? Chinois!

(Pour Antonio Li Gobbi)
15/08/21

De nos jours, les larmes de crocodile sont gaspillées par rapport au triste sort des Afghans, dans un pays qui tombe inexorablement sous le contrôle cruel des talibans. Nous sommes terrifiés mais également nous ne faisons rien face à l'inévitable vengeance sanglante à laquelle tous ceux que les nouveaux maîtres accuseront, à tort ou à raison, d'avoir sympathisé avec les « valeurs » que l'Occident a prétendu exporter au pays. Pure hypocrisie !

Il était évident que cela finirait ainsi et cela fait depuis que les trois derniers présidents qui se sont succédé à la Maison Blanche (Obama, Trump, Biden) ont commencé à annoncer des dates de « retrait » du pays. Une "mission finale" qui n'avait que des fins électorales national.

Des analyses précises par des généraux à la retraite sont également monnaie courante quant à « pourquoi » les États-Unis et leurs alliés ont perdu en Afghanistan. Des analyses qui suggèrent, qui je le crains ne resteront qu'un document utile pour les futurs historiens, mais qui ils ne seront jamais transformés en entraînement par les classes politiques occidentales en vue de nouvelles opérations militaires (infructueuses).

Alors, soyons honnêtes : l'Afghanistan « américain » est irrémédiablement perdu ! C'est-à-dire qu'il n'y aura pas (au moins dans la prochaine décennie) un Afghanistan inspiré par les « valeurs » occidentales.

Les talibans exerceront leur cruelle « vengeance », non pas parce qu'ils sont « barbares », mais parce que de tels modus operandi il est extrêmement efficace pour imposer son contrôle sur le pays lorsqu'on est numériquement minoritaire.

Il n'y aura pas de pitié, et il ne pourrait y en avoir, et les appels occidentaux à ne pas commettre de « vengeance » sanglante n'auront que l'effet inverse, car les talibans devront prouver qu'ils n'ont pas peur des « infidèles ».

Ceux qui ont cru en ce que les États-Unis et les Alliés ont promis fuiront à l'étranger (s'ils en ont l'occasion) ou regretteront dramatiquement de nous avoir fait confiance ou, parfois, les nouveaux maîtres à la décapitation facile ne leur laisseront même pas le temps de le regretter.

Risibles sont les menaces de l'ONU et de l'UE d'"isoler" le pays si les talibans ne respectent pas les pactes ! L'isolement international loin d'être redouté sera souhaité par les talibans lorsqu'ils prendront le pouvoir (je répète : "quand" pas "si").

De plus, je ne crois pas qu'en réalité, au-delà des proclamations rhétoriques et creuses, il y aura un tel "isolement international".
Déjà aujourd'hui, les talibans bénéficient du soutien extérieur de nombreux pays qui ne seraient pas disposés à le déclarer officiellement. Les liens avec le Pakistan et le Qatar sont bien connus, mais peut-être que tout l'islam politique ne leur est pas trop hostile. La Turquie d'Erdogan elle-même, qui maintiendra une présence dans le pays et qui, au fil des années, a su y construire un réseau d'intérêts importants, ne devrait pas avoir trop de difficultés à les accepter..

Puis bien sûr il y a la Chine, qui se fera un plaisir de remplacer la présence américaine dans le pays (un pays dont elle est pourtant séparée par une frontière terrestre courte et imperméable).

Il y a déjà eu des contacts formels au niveau ministériel entre la Chine et les talibans et nous ne nous serons certainement pas limités à parler des droits religieux des Ouïghours (soyons réalistes : la Chine n'aurait pas besoin de s'entendre avec les talibans pour les Ouïghours puisqu'il n'est pas parvenu à s'entendre avec tout l'Occident pour Hong Kong).

Rappelons que l'Afghanistan, qui était déjà sur l'ancienne « Route de la soie » dans l'Antiquité, est aussi aujourd'hui sur la route de la nouvelle Initiative "la Ceinture et la Route" terrestre!

Il existe d'importantes réserves de gaz naturel, de cobalt, de lithium et d'or en Afghanistan que les talibans seuls ne pourront peut-être pas exploiter, mais qui peuvent servir de monnaie d'échange pour obtenir la protection internationale de ceux qui, comme Pékin, ont peu de scrupules à termes de droits de l'homme.

Par ailleurs, le gazoduc TAPI (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde), qui transportera le gaz naturel du Turkménistan à travers l'Afghanistan, le Pakistan et l'Inde est considéré comme le symbole de la rédemption énergétique de toute l'Asie centrale et sa construction coûtera des milliards de dollars en des redevances pour quiconque contrôle réellement le territoire afghan et pour leurs sponsors (c'est-à-dire, encore une fois, la Chine).

Une présence chinoise plus importante en Afghanistan permettrait à la Chine d'atteindre la mer d'Oman via le Pakistan, avec lequel elle entretient déjà d'excellentes relations (élément clé de la Initiative "la Ceinture et la Route" maritime).

De plus, ce faisant, Pékin isolerait l'Inde qui reste son principal adversaire en Asie du Sud et une pierre angulaire de la Dialogue de sécurité quadrilatéral construit par les USA avec une fonction anti-chinoise.

A l'ouest de l'Afghanistan, Téhéran, déjà inscrit dans le « livre noir » américain, ne dédaignerait pas d'entretenir des relations ouvertes avec les talibans, aussi parce que les régions les plus riches d'Afghanistan sont précisément celles de l'ouest frontalières de l'Iran et où de larges pourcentages de la population sont de religion chiite

Je pense aussi que l'intérêt de la Russie pour le pays est susceptible de revenir, qui sera probablement heureuse de négocier avec les talibans pour obtenir l'assurance qu'ils ne fomenteront pas de mouvements islamistes en Russie ou dans les républiques ex-soviétiques d'Asie centrale.

En conclusion, l'Afghanistan retombera dans le « Moyen Âge taliban », l'Occident condamnera et déchirera ses vêtements, la Chine (d'abord et avant tout) et les autres puissances opposées aux États-Unis (Russie, Iran, Turquie) feront de bonnes affaires avec le de nouveaux patrons qui se foutent des élections libres, des droits humains et des droits des femmes.

Félicitations Washington !

Photo: Ministère de la défense nationale de la République populaire de Chine