Imagination et transcendance politique unissent à ces heures les salles du pouvoir théocratique et médiéval de Téhéran avec la splendeur de la salle de bal du prince de Salina. Sur le rythme marqué par les notes d'une valse trompeuse, résonnent les paroles de Tancredi, prononcées dans l'un des ses crises de gravité qui le rendaient impénétrable et cher, avec une perle de sagesse politique intemporelle pour laquelle set nous voulons que tout reste tel quel, tout doit changer. Manque la splendide figure du Prince qui, contrairement aux coutumes nationales établies, renonce au siège sénatorial que lui propose Chevallier stupéfait. héros beau et impossible Don Fabrizio, se rendant compte qu'il appartient à une autre époque et à d'autres idéaux, décide de rejeter une position qui ne peut être seulement honorifique.
Si l'ayatollah Khamenei (photo) est en réalité un Tancredi inédit et astucieux, le président Pezeshkian ne peut cependant pas être le prince de Salina : trop lié au passé, trop fidèle à la personnification d'un pouvoir qui caractérise ttrop humain ont donné confortablement transcendant et donc incontestable, Massoud ne peut pas porter les robes dellhomme de prévoyance dans un pays trop grand, trop composite, trop hétérogène, avec trop d'histoire derrière lui pour pouvoir continuer à se voir représenté par des théocrates rigides et ne pas regarder vers un avenir de plus en plus nébuleux.
Le bon Pezeshkian pourra sûrement être utile au Rahbar qui est contraint, à partir d'un âge que le registre séculier ne considère pas comme des semi-divinités acquises, à réfléchir chaque jour davantage à une succession qui perpétue un Moyen Âge anachronique. L'équilibre interne est fondamental, ne serait-ce que parce qu'il doit éviter les interférences et garantir l'oxygène financier d'investissements occidentaux réels, concrets, non plus différés et à bas prix comme ceux qu'inspire un Orient multiforme intéressé par la variation des ordres hégémoniques mais sans fournir des alternatives équilibrées. Quiconque pense que Pezeshkian pourrait être un adepte de Locke ou de John Stuart Mill se trompe : Massoud est un personnage présentable, acceptable pour une direction qui célèbre pourtant triomphalement une forte abstention qui, logiquement, doit dangereusement représenter quelque chose, par exemple l'éventuelle récurrence de manifestations susceptibles de porter atteinte à la légitimité et à la crédibilité politiques.
Le président porte des chromosomes azéris, comme ceux du Guide suprême, et Kurdes : un événement unique Liaison génétique de minorités agitées que Téhéran doit contrôler au même titre que des factions conservatrices totalement non homogènes, vouées à la préservation la plus pure du pouvoir et à dissimuler la poussière des désaccords sous les plis doux des lourds tapis d'Ispahan.
Politiquement, Khamenei a tout deviné, c’est-à-dire l’acceptation du candidat le moins compromis et l’élimination des orthodoxies de division capables seulement de transmettre des forces de désintégration supplémentaires et délétères, sources d’incertitude telles que des rumeurs non confirmées présentent Ghalibaf comme le sponsor de Pezeshkian et non de Jalili. De plus, Massoud, même s'il ne satisfait pas complètement les réformistes, conserve un aplomb qui garantit un climat politique serein, corroboré par une physique du rôle au contraire, elle est de nature à éteindre les étincelles sur les places. Bref, selon un Cencelli théocratique, le candidat idéal. Il reste cependant un mécontentement à l’égard du régime et du système de pouvoir innervé par les Pasdaran, enclins à une laïcité qui isole un pays déjà extrémisé. Il n’y aura donc pas de changements, mais une première confirmation de la ligne politique précédente, mais avec des nuances plus acceptables, notamment dans le domaine économique. L'intérêt de Khamenei est pragmatique, craignant que le camp réformateur ne se transforme en un parti d'opposition capable de faire bouger les masses, en particulier celles qui n'ont pas voté, celles qui cherchent à compromettre la montée d'un nouveau parti. Guide suprême qui devra accorder la plus grande attention au renforcement militaire parallèle de l’État dans l’État : les Pasdaran.
Pezeshkian, réformiste par son passé et non parce qu'il est un partisan d'un parti, est utile pour le moment, d'autant plus si l'on regarde les élections de novembre aux États-Unis et l'évolution de la controverse nucléaire. La nomenklatura a gagné pour l'instant ; il s'agit selon la diaspora iranienne d'une pure opération marketing orchestrée par Khamenei qui va bientôt montrer ses intentions quant au type de collaboration qu'il compte établir. Un autre aspect qu'il ne faut pas oublier est qu'il existe une nette majorité conservatrice au Parlement, un facteur décisif surtout lorsqu'il s'agit de l'approbation des budgets, déjà un champ de mines pour Rohani à l'époque, et des évaluations de sécurité, si loin du passé de Pezeshkian. . Massoud reste un outsider, un personnage qui ne peut représenter un risque pour le régime, étant donné que les véritables décisions appartiennent aux Rahbar.
Il y a donc peu de raisons de croire aux miracles politiques électoraux ; ce qui compte, c'est la stratégie des Pasdarans consistant à gagner du temps pour parvenir à la bombe atomique d'Allah. Voici donc Pezeshkian, réformiste et masqué respectable d'un régime qui pourra ainsi faire sortir ses opposants au grand jour ; voici donc Massoud, déjà empêtré dans le réseau du pouvoir religieux des mollahs et du pouvoir militaire des Pasdaran et pourtant soutenu, faute d'alternatives, par Khatami et Zarif. De nombreux dossiers sont sur la table, à commencer par la situation instable à la frontière israélo-libanaise entre le Hezbollah et Tsahal, en passant par le renversement peu médiatisé mais important du Sahand à Bandar Abbas pour des raisons encore non précisées, une nouvelle unité classée comme chasseur mais avec un déplacement de frégate et avec des problèmes techniques évidents et critiques. Entre-temps, les félicitations arrivent de ceux qui, craignant un rapprochement avec les États-Unis, craignent la dissolution des relations commerciales intéressées : du pétrole brut avec Pékin, des drones avec Moscou, des missiles avec Sanaa.
Alors faites attention à celui déjà mentionné diaspora, accompagnée d'une dissidence plus que nuancée qui, comme celle de Narges Mohammadi depuis les cellules de la prison, exerce un poids considérable, tout comme la culture du réalisateur Rasoulof, convenablement abrité à l'étranger, avec son film, Le mal n'existe pas, sur la peine de mort en Iran, autre sujet très délicat lié aux excès de la police morale.
Revenons à la politique plus concrète ; si d'un côté Pezeshkian était le remède utile (et relatif) contre l'abstentionnisme pro-Ayatollah, de l'autre Khamenei tenait à souligner qu'un hypothétique rapprochement avec les Etats-Unis n'est pas l'expression d'un une bonne politique et quiconque le poursuit ne peut être considéré comme capable de gouverner le pays. Il est douloureux d’en arriver à la conclusion que le Dr Massoud doit être considéré comme un président sous tutelle au même titre que Khatami et Rohuani avant lui, un limes insurmontable et par ailleurs parfaitement connu de l’électorat. Voilà donc un leader qui ne rompt pas avec le régime, même s'il est favorable à de plus grandes ouvertures politiques intérieures et extérieures, notamment dans le domaine économique, celui qui intéresse le plus la classe politique. les bazars, plus désireux que jamais de tempérer un régime de sanctions qui pèse trop durement sur leurs recettes.
La scène de valse de Léopard c'est d'une rare maîtrise cinématographique ; mais c'est aussi le moment politique le plus intense du film, celui où l'inaction la plus frénétique trouve sa raison d'être. Dans la salle où Pezeshkian est contraint de tenir des expressions rassurantes en faveur de principes qui, contrairement à celui de Salina, aspirent à la préservation du pouvoir, la danse devient un atour d'expressions de domination sulfureuse et concrète, dénuée d'inspirations idéologiques désormais dissoutes. depuis des décennies. La salle de bal reste une salle fermée, une antithèse de la démocratie des places même à Téhéran, où ne subsiste même pas la satisfaction passagère de la musique et des couleurs.
Photo: IRNA