Accord entre la Somalie et la Turquie : le nouveau chapitre de la Corne de l'Afrique

(Pour Guglielmo Maria Barbetta)
05/07/24

La République somalienne, en proie à l’instabilité depuis plus de trois décennies, a signé le 8 février un accord de défense avec la Turquie. Cela implique la formation, le développement et la fourniture d'armes à la marine somalienne pendant dix ans, avec possibilité de renouvellement. La marine turque, qui patrouille dans le golfe d'Aden depuis 2010, prendra en charge la défense de la côte somalienne, la plus longue du continent africain. L’objectif est de lutter contre la piraterie, la pêche illégale et le déversement de déchets toxiques, des problèmes qui drainent chaque année environ 300 millions de dollars de l’économie somalienne.

En échange, la Turquie recevra 30 % des revenus provenant des ressources du Zone économique exclusive (ZEE) de la Somalie, renforçant ainsi sa position dans la recherche de gisements pétroliers. 

L'influence turque dans la Corne de l'Afrique ne cesse de croître, soulignée entre autres par la présence du réseau dense d'ONG turques opérant dans la zone et par la construction, en 2017, du Camp TURKSOM, un centre de formation très important de la Corne de l'Afrique. Forces armées somaliennes. La préparation de l'unité d'élite a également lieu ici GorGor, un élément crucial dans la lutte contre Al-Shabaab.

L'accord est bien entendu également un message adressé à la communauté internationale sur la souveraineté somalienne, en réponse à la reconnaissance par l'Éthiopie de l'indépendance du Somaliland. La décision éthiopienne, motivée par l'accès au port de Berbera, risque de nuire aux relations avec la Turquie. La Somalie, inquiète d'un éventuel axe Somaliland-Éthiopie, a donc renforcé ses liens avec la Turquie pour protéger ses intérêts.

Dans la même région, les Émirats arabes unis cherchent à étendre leur influence. Ils sont déjà très présents en Somalie, contrôlant le port de Bosaso et cherchant à étendre leur contrôle sur Kismayo. Les Émirats soutiennent également la reconnaissance du Somaliland, en concurrence directe avec la Turquie pour le contrôle stratégique de la région.

Dans ce contexte, l’Italie a choisi de ne pas s’engager militairement, se limitant à collaborer dans les secteurs de l’énergie, de l’éducation et des infrastructures. Malgré les demandes d’aide de la Somalie, l’Italie reste réticente à intervenir militairement, laissant la place à d’autres acteurs internationaux, comme la Turquie.

L’accord de défense entre la Somalie et la Turquie représente une avancée significative dans la coopération bilatérale et dans l’influence turque dans la Corne de l’Afrique. Tandis que la Somalie espère stabiliser sa région côtière et améliorer sa sécurité nationale, la Turquie consolide sa présence militaire et économique dans une zone stratégiquement cruciale, tout en faisant face à la concurrence des Émirats arabes unis.

Photo: présidence de la république de Turquie