Le système électoral français, basé sur la majorité uninominale à double vote, a souvent permis au Parti socialiste de survivre malgré de fréquents saignements de consensus. Il n'est pas rare que les accords du second tour aient sauvé les candidats de centre-gauche d'un coin non seulement en raison de la convergence des voix de la gauche radicale, mais même avec le soutien du centre-droit, afin d'isoler les candidats inconfortables du Front national, souvent le premier parti du collèges individuels.
Le principe avait également un sens inverse. La plus grande manifestation a été le scrutin présidentiel de 2002 lorsque les votes de gauche ont permis à Chirac de battre Jean Marie Le Pen et de se préparer pour le second mandat.
Le système français garantit la stabilité mais crée un certain embarras dans les institutions, soutenu par la peur de l'extrémisme nationaliste mais en fait de moins en moins représentatif des sentiments populaires.
Depuis au moins vingt ans, ce processus est consolidé. Plus ou moins depuis que l'Europe est passée d'une déclaration d'intention à une corde autour du cou de beaucoup, dont les Français. La montée régulière du Front national est évidemment liée à l'ensemble du processus.
L'européanisme français a toujours été partagé entre des internationalistes de gauche qui, comme leurs homologues du monde entier, se battent pour un monde idéalement sans frontières et les partisans d'un retour de la France à une grandeur indéfinie.
Si les premiers semblent sortir d'un film de Michel Leclerc et finissent par devenir des témoins de principes appréciés uniquement dans les milieux intellectuels des grandes villes, les seconds doivent faire face à deux grandes contradictions:
à Bruxelles, on parle plus allemand que français et la grandeur, déjà compromise à l'échelle mondiale, paraît difficile à faire revivre même à l'échelle continentale;
Le retour de la France au commandement intégré de l'OTAN en 2009 après 43 ans d'indépendance, est en fait une soumission à la géopolitique américaine, pas toujours alignée historiquement sur les ambitions de Paris.
Pour les deux, il semble de plus en plus difficile de satisfaire ce sentiment populaire ancré en milieu rural, cadre millénaire d'une nation à forte traction agricole et réservoir de réussite pour Marine Le Pen.
Si la France profonde patte sur les ailes d'un revanchisme de plus en plus anti-européen, le drame pourrait clairement paraître plus socialiste que gaulliste. Mais pour la France à l'Elysée tout est possible: même des questions caressantes chères au FN comme la restauration des contrôles aux frontières avec l'Italie. Visiblement à la santé de la gauche pro-européenne parisienne et surtout de celle du sud des Alpes.
Il est difficile de dire combien cela dépend du sentiment national des Français, qui va souvent au-delà des différences idéologiques ou des calculs électoraux.
Les socialistes ont perdu 150 municipalités au profit des bureaux administratifs de 2014 et seraient portés disparus lors des élections présidentielles de 2017, où le FN triomphera très probablement et Sarkozy reprendra ses fonctions.
Le président Hollande et le ministre de l'Intérieur Cazeneuve en sont bien conscients.
On ne peut pas savoir si les frontières sont fermées pour la France ou pour la chaise. La politique combine ses propres intérêts avec des intérêts publics partout dans le monde, vous savez.
Lequel des deux facteurs pèse le plus, cependant, n'est pas si important. Ce qui compte, c'est que les institutions françaises répondent à une très forte demande du bas.
Les systèmes électoraux et les partis peuvent parfois faire moins que la vox populi. Cette voix que les Français expriment avec un extraordinaire sens de la communauté, dont nous, Italiens, ne pouvons qu'apprendre.
(Photo: Ministère de la Défense)