La Turquie masse des troupes à la frontière irakienne: "Nous n’attendrons pas. Nous défendrons nos intérêts "

(Pour Giampiero Venturi)
04/11/16

Selon quand rapporté par Reuters, une longue colonne militaire défile depuis des jours près de Silopi, dans la province de Şırnak, à la frontière turco-irakienne (non loin de la syrienne). De nombreux chars, pièces d'artillerie, véhicules blindés, véhicules de récupération de chars et véhicules du génie auraient été aperçus au cours de ces heures se dirigeant vers le sud. Les troupes doivent être considérées comme extérieures à l'opération Firat Kalkani (Bouclier de l'Euphrate), avec lequel l'armée turque a franchi la frontière syrienne depuis août, officiellement pour combattre l'EI mais en pratique pour éloigner les milices kurdes de leurs frontières. Cependant, ils s'inscriraient dans le même scénario stratégique et la mobilisation qu'Ankara a mis en place aux frontières sud-est, dans le contexte des guerres en Syrie et en Irak.

L'alarme turque a été lancée en ce qui concerne directement l'offensive kurdo-irakienne sur Mossoul, qui est maintenant entrée dans sa phase finale. En particulier, Ankara protesterait contre les manœuvres autour de Tal Afar, une ville à majorité turkmène. Au moment où l'armée de Bagdad annonce son entrée dans la périphérie de Mossoul, les quartiers du Forces (o Unités) de mobilisation populaire (PMF) ils se déplaceraient effectivement sur Tal Afar, à quelques kilomètres de là.

Soyons clairs.

Les milices PMF ils ont été créés par le gouvernement irakien au 2014 en tant que force territoriale, réservée à l’origine au seul recrutement de chiites, y compris les minorités sunnites et chrétiennes. Réunis avec l'approbation des États-Unis pour combler les lacunes des forces régulières irakiennes qui se sont effondrées contre ISIS dans 2014, ils sont devenus une référence dans le nord de l'Irak. Ils sont surtout équipés par l’Iran chiite qui les armerait à travers le Pasdaran, champions aussi du NDF (Force de défense nationale) Syriens, la milice qui assiste l'armée d'Assad. Bien que les Kurdes irakiens soient leurs alliés (avec l’armée régulière de Bagdad) dans la bataille contre l’État islamique, ils jouissent d’une grande autonomie sur le territoire et répondent aux ordres directs du Premier ministre irakien Al Habadi (chiite, sans surprise).

Tal Afar, connue pour la dure bataille opposant Al-Qaïda aux forces américaines dans le 2004, est une ville turkmène. Selon les déclarations du gouvernement turc, si les milices à majorité chiite entraient dans la ville pour renverser l'État islamique, le risque de discrimination religieuse et ethnique serait très grave. La Turquie met en garde toutes les forces irakiennes, qu’elles soient régulières ou non, et se réserve le droit d’intervenir directement pour assurer sa propre sécurité. En fait, il le fait déjà (les Turcs sont déjà basés à Bashiqa, en Irak, non loin de Mossoul).

Réaction immédiate à Bagdad qui a ordonné à Ankara de s'abstenir de toute ingérence. Les déclarations suivent l’échange pas vraiment conciliant des derniers jours entre le président turc Erdogan et le Premier ministre irakien al Habadi: le premier aurait prétendu que Mossoul était en réalité turque; la seconde que la Turquie faisait partie de l'empire Abbàside. 

Outre les affirmations historiques, la Turquie va tout droit et se déclare "Ne pas avoir à attendre l'évolution des événements pour défendre leurs intérêts": ses forces continuent quant à elles à frapper les bases kurdes du PKK situé dans le nord de l'Irak (recevant la condamnation du gouvernement irakien).

Derrière le dynamisme turc se cache un plan stratégique évident. Le Tal Afar Turcoman se situe à un peu plus de 100 km de Turquie mais à seulement 70 de la frontière syrienne, à la hauteur de Kurdistan syrien (Kurdistan syrien) et se trouve sur la route entre Mossoul et Raqqa, les deux capitales autoproclamées de l’Etat islamique, en Irak et en Syrie. Quiconque prend le contrôle de la frontière entre les deux pays aura l’avenir de l’État islamique entre ses mains.

Ce qui semble clair, c'est que la défaite du califat, objectif officiellement déclaré par les milices irakiennes, kurdes, chiites, turques et occidentales, semble en réalité être le moindre sujet de préoccupation. Ce qui compte le plus, c'est la mosaïque qui émergera peu de temps après. Le rôle des Kurdes et des Chiites en Irak doit être établi. Il ne faut pas oublier que les chiites, utiles contre Saddam Hussein pendant La liberté irakienne, sont en fait un boomerang pour l’Occident qui les a armés, car ils sont proches de Téhéran et de Damas.

Dans le silence général, la Turquie bouge toute seule.

(Photo: Türk Kara Kuvvetleri)