Syrie: les pourparlers de paix commencent au Kazakhstan mais les Kurdes n'y sont pas

(Pour Giampiero Venturi)
23/01/17

Les travaux commencent sur la conclusion d'un accord de paix général en Syrie. Sous une forte neige, à l'hôtel Rixos President à Astana, la capitale du Kazakhstan, les principaux protagonistes de la guerre qui dure depuis 2011 sont confrontés pour mettre fin à une tragédie aux coûts humains et matériels incalculables.

Deux aspects centraux:

- des pourparlers de paix sont organisés par la Russie, l'Iran et la Turquie, les premiers acteurs du théâtre syrien qui, bien qu'à des titres différents, sont officiellement investis du rôle d'indispensable  solutionneur de problèmes;

- les pourparlers se déroulent dans la glace d'Astana, la capitale d'un pays entièrement inséré dans l'espace géopolitique russe, confirmant que la Syrie demain ne sera plus une affaire occidentale ou du moins pas exclusivement.

Les pourparlers sont le prodrome d'une autre session prévue début février à Genève, mais en termes de modalités et de participants, ils sont emblématiques des poids qui vont influencer les accords définitifs. La durée prévue n'est que de 24 heures, ce qui, d'un point de vue diplomatique, a un sens très précis: ce cycle de pourparlers ne sert pas à atteindre un point concret, mais à établir officiellement qui aura son mot à dire.

Outre la Russie, l'Iran et la Turquie susmentionnés (qui n'ont pas envoyé de ministres des Affaires étrangères, mais des délégués de second ordre), le gouvernement de Damas, le cartel représentant la principale opposition à Assad et l'apathique Staffan de Mistura, ont pris part à la session. Spécial ONU et jusqu'ici un médiateur impalpable. 

Les États-Unis, aux prises avec une véritable révolution interne à Washington, se trouvent dans une phase délicate de transfert de pouvoirs et se limitent à être présents avec l'ambassadeur américain à Astana sans le soutien d'une délégation spéciale. C'est le signe du déclin de la politique américaine du Moyen-Orient liée à l'administration Obama en attendant les nouveaux arrangements de l'ère Trump.

Les travaux, ouverts par le ministre kazakh des Affaires étrangères Kairat Abdrakhmanov, se déroulent dans un climat rigoureux, et pas seulement à cause de la neige et des -15 ° d'Astana.

Bashar Jaafari, ambassadeur de Syrie à l'ONU et chef de la délégation d'Assad, ne rencontrera pas directement les représentants de l'opposition. Les pourparlers auront lieu par le biais d'un "tiers" grâce à la médiation de la Russie et de la Turquie.

Le chiffre en dit également long sur la situation politique et militaire actuelle sur le terrain. Si d'une part Moscou est le parrain des intérêts syriens, d'autre part c'est Ankara à garantir aux groupes rebelles dont elle est devenue le représentant politique. Ce n’est pas un hasard si parmi tous les groupes d’opposition présents à Astana le rôle deArmée de l'Islam, soutenu par la Turquie et présent aux pourparlers après la garantie d'un renvoi d'Arabie saoudite (partenaire principal jusqu'en 2015).

En résumé, le rapprochement entre Moscou et Ankara qui a débuté en juin 2016 a eu parmi les principaux objectifs et effets précisément celui d'affecter bilatéralement la "question syrienne", faisant des deux pays les protagonistes absolus d'un éventuel futur accord.

Si la Russie consolide ainsi les investissements réalisés au Moyen-Orient, La Turquie a transformé un scénario politiquement catastrophique jusqu'à hier en un triomphe diplomatique: cependant les choses iront d'abord à Astana puis à Genève, les groupes armés du nord (en particulier la composante turkmène) auront leur part; c'est le prix qu'Assad devra payer pour rester en selle.

L'inconvénient concerne évidemment les Kurdes, dont l'exclusion des travaux est le seul point sur lequel toutes les parties s'accordentY compris l'Iran.

Comme nous l'avons fait valoir sur cette section depuis l'été dernier, ce sont les Kurdes qui paieront le prix le plus élevé pour la future réorganisation de la Syrie. Malgré les grands progrès militaires sur le front de Raqqa, dès que la "libération" américaine aura ses effets, les retombées géopolitiques seront visibles. En ce sens, le poids de la Turquie sur l'alliance fondamentale avec Washington est et restera décisif.

(photo: web)