Le tournant de la guerre en Syrie semble être arrivé. Deux faits contribuent à changer la situation, paradoxale à certains égards:
- Les forces démocratiques syriennes, des milices arabo-kurdes soutenues par les États-Unis, ont atteint les faubourgs de Raqqa, capitale autoproclamée de l'État islamique en Syrie.
- L'armée d'Assad a vaincu les défenses de l'Etat islamique dans les plaines au sud-est d'Alep, et est entrée en contact avec les SDF.
Les troupes SDF et syriennes sont essentiellement descendues le long des deux rives du lac Assad (générées par le barrage de l'Euphrate) convergeant vers Tabqa et Raqqa, situées à l'extrémité sud du bassin. Il semble maintenant que l'épreuve de force est arrivée.
Combattants américains ont décollé du porte-avions George Bush qui traversent la Méditerranée ont commencé à marteler Raqqa, alors que les forces de sécurité israéliennes, aidées par les forces spéciales américaines, sont engagées dans des opérations terrestres dans les faubourgs de la ville. L'attaque quitte toutefois la voie d'évacuation vers le sud et permet à la milice du califat d'abandonner la prétendue capitale. La plupart des combattants auraient déjà quitté la ville et se seraient installés sur le front de Deir Ezzor, tandis que seules les unités suicidaires resteraient dans le centre urbain. Cette décision, qui fait peur depuis quelques semaines, se révèle être une mauvaise blague pour les forces du gouvernement syrien qui trouveront des renforts de l'Etat islamique dans les prochains jours, généreusement autorisés à couler du nord.
Les nœuds sont venus à une tête. Des escarmouches entre le gouvernement et les FDS ont déjà eu lieu à l'ouest de Tabqa, des attaques aériennes menées par des combattants syriens. Probablement, cependant, qu'il ne dégénère pas et qu'une zone de "non-contact" est créée. la Forces du tigre Les commandants de l'armée syrienne commandés par le général Al Hassan se dirigent maintenant vers le sud, allongeant ainsi la zone contrôlée par Damas. Probablement leur redéploiement sur l’axe Palmira-Deir Ezzor. Les tensions entre les forces de fil américaines et syriennes se poursuivent au sud, dans la région frontalière d'Al Tanf. Des unités de l'armée syrienne libre auraient été encerclées au nord-est du désormais célèbre passage entre la Syrie et l'Irak. Le jeudi 8 de juin, les unités de l'armée de Damas et des miliciens du Hezbollah atteindraient les unités irakiennes à la frontière avec la route internationale reliant Damas à Bagdad, empêchant ainsi le passage des troupes pro-américaines du sud à Deir Ezzor. La tension dans la région est très élevée.
Le contrôle des frontières entre la Syrie et l’Iraq et entre la Syrie et la Jordanie est désormais au centre de la guerre. Le Premier ministre irakien Al Abadi a réaffirmé dans une déclaration (conférence de presse de 7 en juin) que l'Irak aiderait le gouvernement syrien à contrôler les frontières. Dans le même temps, la pression exercée par les milices paramilitaires chiites irakiennes s’accroît de part et d’autre de la frontière entre les deux pays. Les forces Badr (partie des unités de police) et ennemis acharnés d’Isis sunnites, ils suscitent l’embarras des Kurdes et des États-Unis, car ils représentent en fait un allié d’Assad armé par l’Iran, qui se profile également à l’est.
Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines? Selon toute vraisemblance, à moyen et long termes, les États-Unis vont assouplir leur lien avec la cause kurde, désormais trop lourd pour tous. Après la guerre contre ISIS, l'autonomie de Rojava ne fera de l'intérêt de personne:
- de la Turquie, allié stratégique que les États-Unis ne peuvent irriter;
- du gouvernement Assad, qui ne veut pas de séparatisme chez lui;
- de l'Irak, aux prises avec le problème de l'autonomie kurde même sur son propre territoire;
- de l'Iran, qui, même s'il a des tonalités mineures, a toujours un problème interne d'apparition kurde.
Les frontières méridionales entre la Syrie et l’Iraq pourraient avoir une plus grande importance là où se trouvent déjà les troupes américaines et britanniques. La région d'Al Tanf, qui a été maintes fois mentionnée, fait l'objet de controverses entre miliciens pro-américains et troupes gouvernementales, car la zone tampon potentielle que Washington aimerait établir au nord du royaume hachémite est en jeu. Des sources militaires locales parlent d'un possible afflux de militants islamistes vers le sud en vue d'une possible réorganisation en Jordanie. Les rumeurs ne sont pas confirmées, mais les accusations de Moscou contre les rebelles soutenus par les Etats-Unis concernant des accords secrets avec le califat sont du domaine public (le général Surovikin, commandant du contingent russe en Syrie, cité vendredi 9 Juin par Ria Novosti).
L'impression est que jouer une carte noire sera de moins en moins facile. La défaite de l'État islamique révélera de nombreuses vérités jusqu'ici cachées.
(photo: YouTube / SANA / US Army)