Du hublot de ma loge est venu la fraîcheur du matin et le parfum du gommage méditerranéen. Un bonheur pour l'esprit comme pour les poumons, comparé à l'odeur de diesel qui nous enveloppait toujours et que l'on ressentait à peine plus. Ceux qui ont été sur les bateaux-chaudières s'en souviennent trop bien. C'était l'époque de la guerre civile au Liban. L'Italie était intervenue après le massacre de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila (septembre 1982) en coordination avec les États-Unis et la France. Nous avions été opportuns et avons joué un rôle important. Les Italiens étaient respectés et appréciés du peuple.
Sur le terrain, à la tête du contingent italien se trouvait le général Angioni. La Marine avait déployé le bataillon San Marco du commandant Sambo, dans son intégralité. En mer, nous avions un croiseur (Doria), deux destroyers lance-missiles et des frégates de classe Loup. Nos navires ont protégé le contingent avec leur artillerie et leurs missiles antiaériens. Le groupe naval italien disposait également de 6 hélicoptères armés, pour les patrouilles et le soutien logistique au sol. j'étais le chef de vol de Doria (photo) et la division navale. J'ai souvent atterri dans le port, près d'une position des carabiniers du Tuscania. 100 hommes, commandés par le capitaine Von Pauli. Vous fréquentez également les missions à la base du San Marco au sud de l'aéroport.
La mission la plus dangereuse était le lien logistique avec le port. Nous avons volé bas, très bas, surtout à l'approche du terrain, en nous protégeant avec le brise-lames, puis nous avons fait un arrêt rapide et l'avons posé au sol rapidement, avec un petit crawl, léger sur les patins; un atterrissage sans «vol stationnaire» pour ne pas faire d'histoires et gagner du temps. Nous avons atterri le plus près possible des conteneurs Tuscania pour nous protéger des tireurs d'élite tirant de la colline. Le plus grand risque était au décollage. C'est dans l'un de ces décollages, avant de s'approcher de la mer, qu'ils m'ont tiré dessus avec un canon antiaérien. Mais c'est une autre histoire.
Beyrouth de la mer était magnifique. Jusqu'à ce que tu sois proche.
Au fur et à mesure, on a pu distinguer les impacts de balles, les bâtiments éviscérés, les gravats, l'épave des voitures en feu.
J'avais eu la chance d'accompagner l'amiral Ruggiero (le commandant de la première division navale) lors de certaines de ses visites à terre. Dans l'un de ceux-ci nous avons croisé, avec l'escorte de San Marco, la tristement célèbre ligne verte qui séparait Beyrouth entre les factions en guerre. L'odeur du gommage méditerranéen ne pouvait plus se faire sentir. De la saleté et des gravats partout; des enfants agitant, des miliciens avec des kalachnikovs, des hommes de la Légion étrangère en patrouille, nos carabiniers de la Marine, avec le coup dans le canon, qui n'ont jamais baissé les yeux. Soudain, il y eut quelques rafales dans une rue voisine. Les civils ont disparu en un éclair, pour réapparaître peu après, comme si de rien n'était. Les femmes avec des sacs à provisions réapparurent. Les gamins ont recommencé à jouer au football.
Tomber amoureux du Liban était inévitable. Finalement, nous sommes partis.
Nous avons embarqué le contingent italien de retour en Italie sur des navires amphibies et marchands. L’Italie a été efficace et opportune au Liban. Nous étions intervenus dans une partie stratégique de la Méditerranée pour le maintien de la stabilité et la protection de nos intérêts nationaux.
Nos hommes s'étaient bien comportés et les gens leur ont témoigné de l'affection et de la gratitude en quittant leurs positions pour se diriger vers le port de Beyrouth, vers des quais très proches de ceux qui ont disparu dans l'explosion du gisement de nitrate d'ammonium.
Pour l'occasion, le croiseur avait rejoint notre groupe naval Vittorio Veneto, beau et impressionnant. La vue du convoi était solennelle. Il a procédé à l'ouest dans une ligne dans une rangée derrière le Vittorio Veneto, avec les autres navires d'escorte à l'écran. A mon grand plaisir, on m'a ordonné d'organiser un passage d'hélicoptères en formation sur les navires, en hommage au contingent nouvellement embarqué. Depuis les navires, les soldats et les marins nous ont accueillis en agitant leurs casquettes.
À l'arrière, dans la foulée, Beyrouth, maintenant rouge avec le coucher du soleil, devenait de plus en plus petite.
C'était le 20 février 1984. Je ne retournerai pas à Beyrouth avant encore vingt ans. 22 pour être exact. Cette fois, je suis revenu en tant que commandant de la Force de travail 425 et commandant conjoint de l'opération Lion. Nous avions débarqué 1000 hommes pour renforcer les troupes de l'ONU à la frontière avec Israël, mais surtout nous avions réussi à obtenir la levée du blocus aérien et naval, imposé par Israël au Liban, dans le cadre de la guerre contre le Hezbollah.
Cette fois également, l’Italie avait été opportune et efficace, contribuant de manière décisive à consolider la trêve entre les Israéliens et la puissante faction du Hezbollah.. C'est grâce à la reprise des liaisons aériennes et surtout maritimes, que la population libanaise a pu recommencer à vivre, après avoir été épuisée par le manque de biens de première nécessité, tout en évitant le risque d'émeutes sanglantes.
Grâce à l'Italie et à sa marine, la normalité était de retour. Notre gouvernement avait pris une décision rapide et agi de façon décisive, battant à temps la puissance de référence traditionnellement libanaise, la France.
Sous la direction de l'amiral Di Paola (à l'époque chef d'état-major de la Défense), nous avions assumé la direction militaires dans ces situations difficiles (v.articolo). L'Italie a montré qu'elle était consciente de son rôle et de sa hiérarchie au sein de la communauté internationale. Nous, marins, avons fait le reste et encore une fois nous étions au centre de l'attention des Libanais, toujours à Beyrouth dans son grand port, encore une fois près de l'entrepôt d'où, le 4 août à 18h, un feu de l'enfer a éclaté.
Sur le pont du porte-avions Garibaldi, la gratitude des Libanais a été exprimée au plus haut niveau par le Premier ministre de l'époque Siniora au Premier ministre italien Prodi, au ministre de la Défense Parisi: "... le blocus naval israélien avait privé le peuple libanais d'oxygène, l'Italie nous a permis de respirer à nouveau, merci l'Italie, merci le président Prodi, merci les marins italiens ...". c'était le 11 octobre 2006.
Il aurait été juste et naturel de revoir nos navires dans les eaux de Beyrouth, de débarquer de l’aide et de soutenir le peuple libanais. Au lieu de cela, ils sont dans les ports italiens. J'attends toujours des décisions qui ne viennent pas. Ensuite, il sera tard. Trop tard pour être pertinent.
Comme en Libye, après tout, nous avons échoué dans notre rôle et laissé nos alliés et amis méditerranéens seuls au moment où ils en avaient besoin, maintenant incapables de se montrer à la hauteur, de plus en plus indifférents à l’intérêt national.
Photo: Marine / web / US Air Force