Trump le conquérant et l'Ukraine la victime sacrificielle ?

(Pour Luigi Chiapperini*)
25/02/25

Trump est en train de créer la tempête parfaite pour replacer les États-Unis au centre du monde. Un cyclone qui vise à stopper l’avancée apparemment inéluctable de nouveaux acteurs mondiaux, au premier rang desquels la Chine. Et peu importe que ce soient les équilibres ou les déséquilibres de ce qu’on appelle l’ordre mondial, les alliances qui semblaient consolidées, l’État de droit, les règles de coexistence civile, bref tout ce qui est né de la dissolution de l’URSS et de la fin de la guerre froide, qui en paient le prix. Il y a désormais un nouveau concurrent qu’il faut arrêter : il s’agit de la République populaire de Chine, qui jusqu’à présent est de mèche avec la Fédération de Russie.

Il est plus qu'évident que ces dernières années, nous assistons à une attaque contre l'Occident menée essentiellement par des moyens économiques et diplomatiques, mais aussi par la force brutale, par un groupe de puissances rejointes par de plus en plus de pays appartenant à ce qu'on appelle la Sud global et dirigée, directement ou indirectement, par le Dragon chinois et Moscou. L’analyse de ces conflits nous conduit à identifier une zone bien définie du monde, théâtre de cette tentative toujours en cours. Il s'agit de la rimland classique (celle théorisée par Spykman), qui comprend l'Europe de l'Est, le Moyen-Orient, le golfe Persique, la mer de Chine méridionale et orientale jusqu'au détroit de Béring. Selon cette théorie, celui qui obtient le contrôle de la rimland a la domination du monde.

En fait, c'est précisément le long de cette zone disputée que se trouvent les puissances constituant leHeartland (le cœur de la Terre, le classique de Mackinder), c'est-à-dire la Chine et son partenaire junior la Russie, faisant également usage des États procuration comme l’Iran et la Corée du Nord, ils lancent depuis des années un assaut contre le vieux manoir de l’Occident, de moins en moins solide et compact. D'où la guerre en Ukraine visant à reprendre le contrôle par Moscou d'au moins une partie de l'Europe de l'Est, l'attaque de l'Axe de Résistance iranien contre Israël et contre le commerce au Moyen-Orient, la nouvelle colonisation de l'Afrique par la Chine et la Russie, la tentative de réaliser l' Route de la soie L'eurasisme chinois avec les menaces de plus en plus dissipés de Pékin contre Taïwan, la politique agressive de la République populaire de Corée du Nord qui va jusqu'à envoyer des soldats et des missiles au cœur de l'Europe et faire survoler le Japon par des missiles balistiques.

Comment arrêter tout cela ?

En actualisant les théories classiques de la géopolitique, à partir du siècle dernier, il y a déjà eu une nouvelle Heartland qui est représenté par les États-Unis. C'est le deuxième cœur du monde, avec son propre rimland qui l'entoure. Là aussi, en avoir le contrôle et en même temps concurrencer la Chine pour son marché classique permettrait de dominer le monde.

Cette hypothèse semble confirmée par les actions de Trump, dont beaucoup sont apparemment décousues et désorganisées mais qui, après une inspection plus approfondie, ont un objectif très clair.

Essayons de les examiner...

Dans la région sud de l'Amérique centrale, Trump, outre la décision profondément symbolique de rebaptiser le golfe du Mexique, tente d'empêcher la Chine d'acquérir le canal de Panama et d'affaiblir le Mexique au moyen de tarifs douaniers.

Au nord, elle applique la même politique protectionniste avec le Canada et revendique le Groenland danois afin d'empêcher la mise en œuvre de l'accord. La route de la soie de l'Arctique Sino-russe.

Pour Trump, la zone la plus importante des États-Unis est la zone indopacifique, car elle se chevauche de manière critique avec la zone chinoise. C'est ici que se joueront les jeux décisifs, qui incluent essentiellement la question de Taïwan, considérée par Pékin (à tort) comme une région sécessionniste, le conflit autour des îles de la mer de Chine méridionale et la présence de la Corée du Nord, un État « voyou » doté de capacités nucléaires. La nécessité d’économiser des forces obligera les États-Unis à se concentrer sur ce Rimland, sacrifiant la zone transatlantique qui constituait jusqu’à récemment le pilier de leur projection globale.

Il y a ici au moins deux objectifs:si d’un côté il faut réduire son engagement à concentrer l’instrument militaire dans l’Indo-Pacifique, de l’autre il s’agit de soustraire la Russie à l’étreinte dangereuse avec la Chine. Il le fait en cajolant Poutine et en remettant en cause la relation jusqu’ici privilégiée avec les Européens, dont la Grande-Bretagne, avec une possible victime sacrificielle : l’Ukraine. Un pragmatisme qui a mis le vieux continent dos au mur, l’obligeant à identifier de nouvelles politiques visant à éviter l’insignifiance et le déclin.

* Luigi Chiapperini, général à la retraite du corps d'armée de Lagunari, ancien commandant des contingents nationaux et multinationaux au Kosovo en 2001 (OTAN), au Liban en 2006 (ONU) et en Afghanistan en 2012 (OTAN), est actuellement membre de la Centre d'études de l'armée et président émérite de l'Association des troupes amphibies de Lagunari.

Images : US Navy / auteur